Nous avons demandé à trois grands pizzaïolos de répondre à l’une des questions les plus délicates sur la pâte à pizza : commence-t-on avec la farine ou l’eau ? Et la bonne réponse est « ça dépend ». Selon le type de pizza que l’on veut faire, il faut choisir.
La question peut sembler anodine, mais elle ne l’est pas, et elle trouble les nuits des pizzaïolos depuis des années : faut-il partir de l’eau ou de la farine pour faire la pâte à pizza ? La réponse la plus logique, fondée sur la science, est unique : vous commencez par la farine parce que c’est elle qui absorbe l’eau, et non l’inverse. En réalité, la question est beaucoup plus complexe et la réponse la plus correcte est plutôt une autre, plus poétique pour ainsi dire. Cela dépend du type de pizza que l’on veut faire. Pour démêler cet écheveau, nous avons demandé à trois des meilleurs pizzaïolos du monde quelle était leur méthode.
La confusion vient de la tradition
Nous sommes souvent induits en erreur par le concept de tradition et confondons le goût classique avec la bonne technique à utiliser. La pizza en est un exemple typique : l’école napolitaine, la plus ancienne qui existe, préconise une pâte qui commence avec de l’eau et tout le monde s’en est inspiré. Les anciens pizzaïolos versaient l’eau dans un récipient et ajoutaient la farine.
Les doses de la recette étaient liées à l’eau elle-même : la recette typique est de 1,6 kg de farine pour un litre d’eau. Aujourd’hui, cette pratique, avec les doses « à l’œil », est dépassée parce qu’elle n’a aucun sens et que l’évolution de la pizza a apporté d’immenses résultats.
La Margherita de Pierre
Lorsque nous parlons d' »évolution », nous ne nous référons pas à un passé lointain. Le monde de la pizza s’est en effet « emballé » au cours de la dernière décennie et continue de s’affiner aujourd’hui. Par exemple, Pierre pizzaiolo au Cellier du Palais, nous raconte que lorsqu’il a commencé à pétrir, « le critère était encore l’eau à utiliser dans la pâte, à mettre avant la farine ».
D’autres pizzaïolos ont un avis moins tranché : tout dépend de la pâte. Le premier nous dit que pour une pizza avec une hydratation moyenne, entre 65% et 70%, « on peut sans risque combiner l’eau et la farine immédiatement parce que cela nous permet de fermer la pâte au bon moment, sans retards entraînant une surchauffe de la masse ». Le second pizzaiolo, nous dit que le plus important n’est pas le « point de départ » mais la connaissance des « caractéristiques rhéologiques de la farine, c’est-à-dire sa capacité d’absorption« .
Après toutes ces belles paroles, nous avons donc compris que le sujet est plus complexe qu’on ne l’imagine, que le choix dépend du type de pizza que l’on veut faire et que, dans presque tous les cas, on commence par la farine et non par l’eau pour faire une bonne pizza.